par Danièle Courchesne
En quelques années, Marianne Dubuc est devenue une auteure illustratrice incontournable. Lauréate du prix du Gouverneur général, volet illustration, pour Le lion et l’oiseau en 2014, récipiendaire de plusieurs autres prix, souvent finaliste pour de nombreux prix prestigieux, dont le prix TD de littérature canadienne pour l’enfance et la jeunesse, ses livres ne passent pas inaperçus. Ils nous sortent du quotidien, nous entrainent hors des sentiers battus, là où l’imagination et la tendresse règnent.
Son cheminement vers la littérature jeunesse
Son amour des livres pour enfants ne date pas d’hier. Déjà, petite, elle en dessinait et rêvait d’en écrire lune fois adulte. Elle a étudié le design graphique à l’UQAM. Ensuite, comme elle le dit, c’est venu naturellement. Elle a participé à un concours, a été remarquée par les éditions de La Pastèque et c’était parti!!! Elle a publié son premier titre La mer, un album sans texte. Depuis, elle écrit et illustre ici et en Europe. Parfois elle met son talent au service d’auteurs et le plus souvent, elle illustre ses propres textes.
Sources d’inspiration
Elle nous dit s’inspirer en partie de sa vie familiale. Elle baigne dans le monde de l’enfance à longueur de journée grâce à eux. Elle va aussi puiser dans sa propre vie : «Je suis quelqu’un qui aime beaucoup les souvenirs, les choses de mon enfance: les émissions, les livres, la nourriture, etc. Je m’inspire de tout ce qui vient de mon enfance, de mes souvenirs et même de ma vie au complet.»
Processus de création
«Quand j’invente une histoire, c’est complètement spontané. Je n’ai aucun contrôle sur ce qui se passe. C’est ce qui sort au moment où je cherche une idée. Ce n’est pas du tout prémédité mon truc.» Si la création se place sous le signe de la spontanéité, il y a parfois de longs moments de réflexion qui précèdent son écriture. Elle avoue ne pas adopter de démarche particulière. Par contre, elle souligne qu’elle aime que les personnages de son histoire existent dans sa tête avant d’écrire. «Donc, souvent, si je sais que je vais raconter l’histoire d’un lion et d’un oiseau, je vais dessiner le lion juste pour qu’il existe. Ça m’aide à le voir. Moi, je vois le livre dans ma tête en images. Donc, si le personnage existe, je vais savoir le genre d’univers qu’il va y avoir. À partir de ce moment-là, je n’ai aucun contrôle. En général, ça me prend 10 minutes écrire l’histoire. Ça peut me prendre un an me rendre au point de l’écrire, mais en général, une fois que je l’ai, ça sort, et je ne change pas grand-chose. Le rythme est là, ça se fait tout seul. Je n’ai aucun contrôle. Ce n’est pas très pratique dans la vie, mais bon.»
La genèse du Lion et l’oiseau
Son album Le lion et l’oiseau a eu droit à une longue période gestation. Après avoir publié son premier livre, La mer, aux éditions de La Pastèque, elle désirait en créer un deuxième pour cette maison. Elle pensait à quelque chose de similaire sans être une suite du premier. Comme La mer, elle voulait mettre en scène deux personnages. Sept ans plus tard, l’idée jaillit. «C’est venu tranquillement. Ça vient de ma vie. J’ai souvent perdu des gens de vue et ça me faisait beaucoup de peine. À un moment où j’avais beaucoup de peine, à l’adolescence, ma mère m’a dit : Marianne, inquiète-toi pas, parfois tu perds des gens de vue et dans dix ans, peut-être, tu vas les recroiser et vous allez redevenir des amis. Et c’est un peu ce qui m’est arrivé avec une personne. Donc, ça m’a donné un peu le fil conducteur de cette histoire.»
Ensuite, une fois l’idée trouvée, elle souhaitait qu’il y ait peu de mots et une grande collaboration entre le texte et les illustrations. Elle adore les albums sans texte pour la liberté que cela procure au lecteur. «Comme je le disais, quand j’invente des histoires, je les invente toujours en images dans ma tête. Je n’ai pas les mots, mais j’ai l’idée de l’histoire, un peu comme un story-board de film. Ce livre-là, j’ai décidé de ne pas mettre de texte avant d’avoir fini mes esquisses détaillées parce que je voulais que les images en disent le plus possible. Je voulais que le texte ajoute, ponctue, guide et rythme la lecture des images. Je voulais vraiment qu’ils fonctionnent un avec l’autre. » L’audace de ce livre, les nombreux silences que le lecteur doit combler, les pages blanches, etc., pour l’auteure, ce n’est pas osé, mais simplement le langage qu’elle a utilisé pour le créer. Elle nous dit y être allée avec ce qu’elle ressentait, de manière toujours aussi spontanée. Et elle conclut en disant qu’elle fait confiance aux enfants. «Les enfants eux, ne vont pas s’arrêter aux pages blanches, ne vont pas se demander si c’est un problème d’impression, ils vont vivre ce qui est écrit plus que l’adulte.»
Création de L’autobus
Pour L’autobus, c’est une tout autre histoire. «C’était l’idée d’un livre avec beaucoup, beaucoup de détails et où l’enfant pouvait aller voir ce qui changeait de page en page dans les illustrations, avoir des clins d’œil. Le texte est là aussi pour guider le parent ou le lecteur qui, des fois, se sent un petit peu insécure quand il n’y a pas de texte. Je trouvais ça amusant. Il y a les images, il y a le texte. C’est comme deux niveaux de lecture. Le texte, lui, ce n’est pas une histoire qu’on raconte. Il dirige, amène le lecteur ailleurs ou ajoute des petits trucs.»
Son style graphique
Marianne Dubuc avoue candidement ne pas trop savoir comment décrire son style. Elle nous signale au passage qu’il y a toujours des animaux, des petits brins d’herbe un peu partout dans ses illustrations. Elle ajoute également qu’on y retrouve une certaine naïveté dans le traitement, le tout empreint de douceur.
Les médiums qu’elle utilise sont le crayon de bois et l’aquarelle. Elle se sert aussi parfois de l’encre et récemment le pousse-mine.
Le plus facile et le plus difficile dans le processus de création
«Je dirais que c’est difficile trouver la bonne idée, mais une fois qu’elle arrive, ça va vite. Ce qui me rend le plus insécure c’est de réussir à rendre l’idée que j’ai. L’idée que j’ai, c’est un livre et je me demande s’il va se matérialiser de la bonne façon…»
Illustrer ses textes et ceux des autres
Elle illustre surtout ses propres textes, mais, à l’occasion, elle met son talent d’illustratrice au service d’autres auteurs. «Ce n’est pas ce que je préfère étant auteure. Quand j’invente une histoire, je la vois dans ma tête. Travailler avec une histoire déjà écrite, ce n’est pas la même relation avec le texte. Il y a des moments où ça marche bien, le projet me convient et je trouve ça intéressant. Mais je préfère quand j’écris moi-même, tout simplement à cause de mon processus de création où tout apparait en même temps.»
Livres préférés
Son livre préféré, c’est Le lion et l’oiseau. «Chaque livre a quelque chose de spécial, mais je pense que le lion et l’oiseau, c’est un coup de cœur ». Il correspond à la vision qu’elle avait au départ de ce qu’il devrait être. L’impact qu’il a eu et sa réception l’ont beaucoup touchée.
Comme elle l’a mentionné, chaque livre a quelque chose de spécial. Devant ma maison, c’est une idée qu’elle a eue et qu’elle ne pensait jamais que cet imagier aurait cette portée, cette vie-là. Cinq ans après sa sortie, les gens l’aiment toujours et elle en est tout à fait ravie!
Projet en cours
Elle a plusieurs projets en cours en ce moment dans différents pays. Il y a un grand imagier chez Casterman qui devrait sortir bientôt en France. Elle est également en écriture pour un nouveau livre avec Comme des géants pour fin 2015.
Conseils aux futurs illustrateurs
«Pour les tout jeunes, je dirais de ne pas arrêter de dessiner parce que moi j’ai décidé toute petite que c’est ça que je voulais faire, dessiner des livres pour enfants, mais je ne pensais pas que ça se réaliserait. Et à l’adolescence, tu arrêtes de dessiner parce que tu n’es pas content de ce que tu dessines. Je pense qu’on ne devrait jamais s’arrêter parce que c’est comme ça qu’on devient meilleur.»
Pour en savoir plus sur Marianne Dubuc:
Son blogue | Son site internet
Une chronique d’animation de ses livres et une entrevue: Lurelu, automne 2014, volume 37, numéro 2